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Revue Burkinabè de droit

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SOMMAIRE RBD n° 37 - 1er semestre 2000
CHRONIQUE DE LEGISLATION

1er semestre 1999 

" La supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du  Droit des Affaires (OHADA) "
ABARCHI D.

Les objectifs nobles que se sont fixés les 16 Etats membres de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) ont suffisamment été mis en lumière, pour que l'on ait besoin d'insister outre mesure. Comme on l'a déjà relevé, la naissance de l'OHADA apparaît comme une oeuvre juridique salutaire présentant plus d'un avantagé. En tant que moyen d'intégration juridique, cette organisation traduit une prise de conscience des Etats membres de l'enjeu que représente le mouvement inéluctable de la mondialisation des échanges, et dans lequel s'inscrit parfaitement la naissance de cette institution.

Cependant, à l'heure où elle prend son " envol " avec l'entrée en vigueur des premiers actes uniformes, l'OHADA, organisation supranationale, suscite déjà certaines interrogations, voire des inquiétudes que l'on peut parfaitement comprendre. Cela est inhérent à toute innovation. Et l'OHADA constitue assurément une oeuvre innovatrice de par ses règles et mécanismes qui viennent troubler dans leur tranquillité intellectuelle de nombreux juristes (qu'ils soient praticiens ou théoriciens du droit), habitués à évoluer dans un cadre juridique qui, pour être souvent le lieu de prédilection des lois ancestrales et souvent vétustes, appelle moins d'effort. Beaucoup s'en accommodent fort bien et répugnent à tout bouleversement obligeant à sortir de la routine, pour s'imprégner de nouvelles règles.

Assurément, pour tous les habitués d'un droit interne parfois négativement stable, l'avènement de l'OHADA est source d'efforts intellectuels supplémentaires à fournir, et perturbe l'environnement juridique existant.

Sans aller jusqu'à dire que l'OHADA, par les différents mécanismes institutionnels qu'elle met en oeuvre, au stade de l'élaboration du droit ou de son interprétation, apparaît comme une révolution, on peut au moins affirmer qu'elle bouscule certaines habitudes qui désorientent quelque peu tous ceux qui, du droit des affaires, n'ont toujours connu que les règles du droit interne.

L'OHADA c'est aussi et surtout un droit international, secrété par un organe spécifique, qui vient se superposer aux normes internes, une nouvelle organisation judiciaire découlant de la création d'une Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA).

Ce nouvel ordonnancement juridique et judiciaire qui a donné lieu à plusieurs rencontres est sujet d'importants débats qui mettent en lumière les difficultés que pose déjà la supranationalité de l'OHADA tant du point de vue institutionnel que du point de vue normatif.

A vouloir rendre compte de celles-ci et sans prétendre apporter tous les éclairages permettant d'élucider les nombreuses interrogations, on pourrait entreprendre une analyse de sa dimension supranationale.

Partant de ce que cette supranationalité de l'OHADA se manifeste d'abord du point de vue organique par une prééminence des institutions communautaires sur les institutions nationales, ensuite du point de vue normatif parce qu'un droit communautaire, soutenu par l'idée d'intégration et d'unification, entraîne une suprématie des normes communautaires sur les normes internes nous aborderons la question par l'analyse de:

  • la supranationalité politique découlant des prérogatives reconnues au Conseil des ministres de l'OHADA;
  • la supranationalité judiciaire tenant aux prérogatives dévolues à la Cour commune de justice et d'arbitrage;
  • la supranationalité normative découlant de la prééminence du droit communautaire des affaires sur les droits nationaux.;

S'il est vrai que sur le plan organique l'OHADA se matérialise par un Secrétariat permanent, une Ecole supérieure de la magistrature, un Conseil des ministres et une Cour commune de justice et d'arbitrage, notre propos se limitera aux deux derniers organes d'autant plus que c'est à leur sujet que la question de la supranationalité revêt une certaine importanCe3. Le premier organe, le Conseil des ministres, parce qu'il est le support des décisions politiques de l'OHADA, traduit la supranationalité politique de cette organisation (1) alors que le second, dont le rôle est plutôt technique parce qu'il s'agit d'un organe juridictionnel, soulève la question de la supranationalité judiciaire (11). Si l'un secrète les normes applicables et l'autre se charge de les interpréter pour éviter la diversité de sens, les normes elles-mêmes doivent être analysées dans leur dimension supranationale (111).



" LA PLACE DU DROIT COMMUNAUTAIRE-U.E.M.O.A. DANS LE DROIT INTERNE DES ETATS MEMBRES "

IBRIGA L.M.
MEYER P.

L'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (U.E.M.O.A.) créée par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994 s'inscrit dans une perspective substantiellement différente des schémas d'intégration l'ayant précédée en Afrique Occidentale. Les signes irrécusables de cette nouvelle perspective s'affichent tant au niveau de la structure institutionnelle que du système juridique. Par l'architecture institutionnelle qu'il met en place et l'ordre juridique qu'il assied, le système institutionnel de l'Union s'inscrit dans une autre perspective que celle ayant tendu à réduire les systèmes d'intégration au modèle ordinaire de l'organisation internationale, à savoir l'optique supranationale.

L'organisation participe de cette mouvance et son Traité constitutif traduit dans plusieurs de ses dispositions ce souci d'affranchissement de 1 action communautaire des prérogatives souveraines, par l'introduction d'une dose de supranationalité'. De ce point de vue, la stratégie adoptée pour la promotion de l'intégration 2 et de la coopération régionale est en rupture totale avec les schémas qui ont jusque là eu cours et introduit, dans le débat sur l'intégration, un jeu d'options originales portées par deux idées forces: un dessein de "communautarisation" et une volonté de "juridisation" .

La volonté d'asseoir les relations sur le droit communautaire en faisant de ce dernier un instrument essentiel de l'Union conduit à s'interroger sur la place que ledit droit occupera par rapport au droit interne des Etats. En effet, l'ordre juridique interne des Etats devra coexister avec l'ordre juridique communautaire, distinct à la fois de l'ordre juridique international et des ordres juridiques nationaux. La référence faite à l'ordre juridique communautaire présuppose l'existence de celui-ci. A ce propos, bien que le Traité se borne à n'établir qu'une simple nomenclature d'actes avec leur régime juridique et ne fasse aucunement allusion à l'existence d'un ordre juridique, il est possible d'affirmer, en référence à ses différentes composantes, que l'UEMOA constitue un ordre juridique c'est à dire un " ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses propres sources, dotés d'organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations5. Les normes communautaires, qu'elles soient originaires ou dérivées, forment un corps de règles relativement homogène à même de régir l'établissement et le fonctionnement de l'Union. Si l'existence d'un ordre juridique communautaire distinct et autonome n'est l'objet d'aucune controverse, elle ne soulève pas moins d'autres problèmes liés à son effectivité tant il est bien connu que " les ordres juridiques ne constituent pas des mondes clos sur eux-mêmes, ils entretiennent au contraire des relations de complémentarité ou de contradiction "6. C'est précisément l'étude du système d'articulation du droit communautaire et des droits nationaux qui constitue l'objet de la présente étude.

L'examen de la question exige d'avoir présent à l'esprit le fait que le Traité de Dakar a entendu créer une institution supranationale habilitée à sécréter un droit à la charnière du droit international et des droits internes. L'ordre juridique supra-étatique qu'elle met en place se caractérise par un mode particulier de production et de réalisation du droit ressortissant au schéma fédéral, schéma caractérisé par "Ia superposition de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque élément composant l'ensemble soit simultanément soumis au droit de l'élément et à celui de l'ensemble et que ses organes agissent simultanément comme organes propres de l'élément et comme organe commun de l'ensemble " 7 . Du fait de la nature préfédérale de l'UEMOA, les relations entre l'ordre juridique de l'Union et les ordres juridiques nationaux s'inscrivent bien dans cette logique de superposition propre au fédéralisme qui est non seulement " un moyen de créer un nouveau milieu juridique, partant de développer le droit " 8 mais qui vise aussi à "trouver la solution aux problèmes de la cité dans le jeu des équilibres de forces" .

C'est là que réside toute la complexité des rapports entre le droit de l'Union (primaire et dérivé) et les droits nationaux. Ces rapports suscitent deux interrogations majeures. En premier lieu celle du continuum "spatiomatériel" du droit communautaire rapporté aux droits nationaux; ceci renvoie à la question de l'étendue du droit communautaire (1). En second lieu celle de la position qu'occupe le droit communautaire dans sa relation avec les droits nationaux: cela pose le problème du rang que tient le droit communautaire (11).

Les deux questions soulevées ci-dessus posent des problèmes d'ordre normatif en ce sens qu'il s'agit du rapport entre des normes communautaires et internes. Dans le traitement de ces questions normatives, les juridictions nationales des Etats membres seront "en première ligne" dans la mesure où c'est devant ces juridictions que l'application du droit communautaire est revendiquée. L'institution juridictionnelle communautaire - la Cour de Justice - aura, cependant, elle aussi, un rôle important à remplir à travers le mécanisme du renvoi préjudiciel institué par le protocole additionnel n' 1 relatif à la Cour de Justice.


" LA REFORME DE LA COMPTABILITE PUBLIQUE AU BURKINA FASO "
YONABA S.

Il serait erroné de considérer la mutation qui s'est opérée au cours de ces trois dernières années dans la vie et le fonctionnement du Trésor publie burkinabé et, plus généralement, de notre droit budgétaire et comptable, comme une simple évolution. Plus que d'un épiphénomène, c'est bien d'une révolution en douceur qu'il s'agit si l'on en juge par l'ampleur des changements et transformations intervenus. Même si le moment ne parait pas encore opportun pour l'établissement d'un bilan définitif (-) de ce mouvement général qui n'a pas fini de produire tous ses effets, une rapide évaluation de cette évolution à mi-parcours permet de se faire une idée de l'importance du chemin parcouru.

Il est édifiant de constater que, parallèlement ou en conséquence d'une intense activité de réflexion engagée depuis environ cinq années, un gigantesque chantier de restructuration tous azimuts a pu être ouvert, qui a contribué à façonner une nouvelle physionomie de ce symbole de puissance - ou d'impuissance- - financière de l'Etat qu'est le Trésor public national. Ce n'est que logique si un tel mouvement se manifeste, tant il est vrai que le Trésor public ne pouvait rester en marge de l'évolution générale que le pays tout entier a connue, sur le plan politique et social notamment, au cours de cette dernière décennie'. La réorganisation de la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DGTCP) est présentée, aux termes de l'Exposé des motifs de cette gigantesque entreprise, comme " l'aboutissement d'un long processus de réflexions et de concertations menées sous diverses formes, pour redynamiser le Trésor public dans toutes ses fonctions et adapter son organisation aux nouvelles exigences en matière de gestion des finances publiques dont les principales sont:

  • la mise à la disposition des décideurs d'informations fiables et rapidement disponibles pour une meilleure conduite de la politique économique et financière;
  • une gestion plus saine des deniers publics et une meilleure supervision des structures comptables et financières,
  • la production régulière des comptes permettant aux institutions de contrôle (parlement et chambre des comptes) d'exercer leurs prérogatives;

la prise en compte de l'harmonisation des textes et des instruments de gestion des finances publiques dans le cadre de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), eu égard à la tendance générale à la création, dans tous les Etats dudit espace, de Directions générales du trésor et de la comptabilité publique dont l'organisation tend à s'harmoniser ".
De la même manière que les divers secteurs de l'administration publique se sont livrés, au cours de cette période, à un travail d'autopsie interne pour mieux se positionner face aux nouvelles exigences de la revendication démocratique et de la "bonne gouvernance" (pour reprendre un terme qui fait florès sur le continent)3 en organisant toutes sortes de rencontres (états généraux, conférences annuelles, missions d'audit, fora ou journées de réflexions, etc.), le Trésor publie a estimé également utile d'entreprendre à son tour un tel travail d'introspection. L'institution peut être considérée comme étant parvenue à la croisée des chemins et la réorganisation qui se met en place doit être regardée comme un véritable tournant dans sa vie comme dans l'évolution du droit budgétaire et comptable plus généralement. Un peu comme l'avait été en France il y a de cela une trentaine d'années, l'adoption du décret dit du centenaire 4 mettant fin au long règne du vieux décret impérial du 31 mai 1862, le Burkina Faso, à l'instar de l'ensemble des pays membres de l'UEMOA se trouve confronté à la nécessité de procéder à une relecture de l'ensemble de sa réglementation budgétaire et comptable.
L'on voudrait dès lors, dans les lignes qui suivent, tenter de prendre la mesure de l'effort de réflexion amorcé depuis belle lurette et qui s'est concrétisé par l'adoption de nombreux textes réglementaires de valeur inégale il est vrai, ainsi que la mise en chantier d'un imposant programme de restructuration des services et, par ricochet, de remise en cause d'un certain nombre d'habitudes établies de longue date.

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